Les collyres myotiques refont surface dans le traitement de la presbytie avec l’arrivée du VIZZ (aceclidine 1,44 %), récemment approuvé par la FDA. Ce collyre agit en réduisant la taille pupillaire afin d’augmenter la profondeur de champ, améliorant ainsi la vision de près. Déjà utilisé dans les années 2000 en France dans le traitement du glaucome sous le nom commercial Glaucostat®, puis retiré du marché faute d’efficacité, ce mécanisme sténopéique revient aujourd’hui en force. Pourtant, la « révolution » annoncée depuis les États-Unis pose question : vision de loin altérée, assombrissement visuel et inconfort demeurent des limites structurelles.

👨‍⚕️ Mot de l’expert

« L’effet sténopéique n’est pas nouveau. Ce qui revient aujourd’hui avec VIZZ, ce sont les mêmes contraintes : vision de loin réduite, vision plus sombre. À manier avec discernement. »
Dr Hugo Bourdon, chirurgien ophtalmologue

Mécanisme d’action des collyres myotiques en presbytie

Physiologie

  • La presbytie est due au durcissement progressif du cristallin => perte d’accommodation.
  • Rétrécir la pupille (effet sténopéique ou « pinhole effect ») augmente la profondeur de champ / de mise au point proche.
  • Myotiques = molécules qui provoquent la contraction de l’iris (sphincter), réduction du diamètre pupillaire.

Effets secondaires possibles

  • Vision de loin réduite, surtout en condition de faible luminosité ou si le diamètre pupillaire devient très petit (< ~2 mm).
  • Diminution de la sensibilité au contraste.
  • Irritation, céphalées, photophobie.
  • Risque dans certaines pathologies rétiniennes ou fragilités (décollements, lésions périphériques).

Historique des myotiques en France / exemples anciens

  • Pilocarpine : utilisé depuis longtemps, à des concentrations variées, pour glaucome ou parfois presbytie incidente. Effets irritants, flous pour la vision de loin, adaptation difficile.
  • Isoptopilocarpine : forme commerciale de pilocarpine, utilisée en France, peu coûteuse (~2 €), mais efficacité modérée en presbytie (amélioration de près limitée, durée courte, effets secondaires visibles).
  • « Glocosta » : vous mentionnez ce nom comme équivalent d’un collyre utilisé dans les années 80. Je n’ai pas trouvé de sources officielles récentes confirmant « Glocosta » comme nom de médicament myotique standard en France pour presbytie. Il pourrait s’agir d’un nom commercial ancien ou régional.

VIZZ (aceclidine 1,44 %) : nouveauté

Données principales

  • Principe actif : aceclidine, un myotique à action principalement sur l’iris, avec stimulation minimale du muscle ciliaire.
  • Concentration : 1,44 %.
  • Mode d’emploi : instillation quotidienne (une fois par jour).
  • Début d’action : environ 30 minutes après instillation.
  • Durée d’effet : jusqu’à 10 heures pour la vision de près.

Études cliniques

  • Trois essais randomisés contrôlés (phase 3) : CLARITY‑1, CLARITY‑2 (efficacité, 42 jours) et CLARITY‑3 (tolérance sur 6 mois).
  • Résultats : ~65‑71 % des patients traités ont gagné ≥3 lignes de vision de près, sans perte équivalente de la vision de loin à 3 heures. Contrôles (placebo/vehicle) : 8‑12 %.

Effets secondaires et tolérance

  • Effets les plus fréquents : irritation au site d’instillation (~20 %), vision sombre/dim (« dim vision ») (~16 %), céphalée (~13 %).
  • Autres : hyperhémie conjonctivale et oculaire, tous généralement modérés et transitoires.

Comparaison VIZZ vs anciens collyres (pilocarpine / isoptopilocarpine etc.)

CritèreVIZZ (aceclidine 1,44 %)Pilocarpine / isoptopilocarpine anciens usages
Concentration / sélectivitémoléculaire visant surtout l’iris, peu de stimulation ciliairela pilocarpine agit à la fois sur sphincter iris et muscle ciliaire, selon dose
Durée de l’effet~10 hplus courts (~4‑6 h ou moins selon formulation)
Efficacité pour gain de 3 lignes de vision de près~65‑71 % à 3 hvariable, généralement plus faible, surtout avec faibles concentrations
Vision de loin / myopic shiftpas de myopic shift significatif signalé avec VIZZ dans essais, vision de loin préservée mieux que dans certains piliocarpine forts.rougeurs, flou de loin possible surtout en situations de basse lumière ou forte miose
Coût, accessibilitéproduit nouveau, autorisation FDA en 2025, disponibilité US prévue Q4 2025. Coût non encore clair en France / Europe.générique, très peu coûteux, largement disponible en France mais usage moins optimisé en presbytie

Limites & considérations pratiques

  • Si un patient voit déjà mal de loin (myope non corrigé, astigmatisme, hypermétrope, défaut réfractif non compensé), la réduction de la pupille va empirer sa vision de loin dans beaucoup de cas. Ce qui, au final, peut rendre le bénéfice pour la vision de près non perceptible si la vision de loin est déjà mauvaise.
  • En conditions de faible luminosité, l’effet de la mióse réduit l’entrée de lumière, diminue la vision de loin ou intermédiaire.
  • Pour les patients ayant cristallin opacifié, cataracte partielle, ou autre pathologie optique, le bénéfice peut être limité.
  • Adaptation : tolérance à l’éblouissement, confort, prendre en compte les activités (conduite de nuit, vision de loin requise).

Situation en France / Europe

  • Aucun collyre myotique n’est autorisé en France ou dans l’Union Européenne spécifiquement pour la presbytie
  • Les anciennes pilocarpines et isoptopilocarpine demeurent des options, mais sans l’encadrement clinique moderne (essais, formulation optimisée, concentration, données de sécurité pour presbytie) comme pour VIZZ aux USA.

Conclusion

VIZZ représente une évolution importante. Il combine :

  • efficacité (gain de près important)
  • durée de l’effet (+ de 8‑10 h)
  • moindre stimulation ciliaire (donc moins de risque de myopic shift et de tensions mécaniques)

Mais il ne comblera pas les lacunes chez les patients ayant déjà une mauvaise vision de loin. Son succès clinique dépendra du profil du patient (réfraction de loin, tolérance, mode de vie), du coût, de l’accessibilité en Europe, et de la formation pour le choix des patients.